Publié le

Appareil jetable vs rechargeable : qui va gagner la battle de l’argentique en 2023 ?

Depuis quelques années – et encore plus depuis quelques mois ! – l’argentique a retrouvé une grande popularité auprès des photographes, amateurs ou professionnels. Plus authentique, plus surprenant, plus “réel” car inscrit dans la matière, le procédé de la photo argentique propose une expérience artistique globale : du choix du film jusqu’à la découverte des images après développement, c’est tout un parcours. Un parcours qui laisse le temps au temps, qui invite à la patience – comme des enfants la veille de Noël – pour être encore plus étonné et ravi au moment de recevoir le résultat du shooting de la semaine dernière.

Qui dit popularité dit demande : le marché de l’appareil argentique de seconde main a explosé. Il n’est pas rare de voir un petit automatique des années 90 à 350 €, quand il se négociait encore 30 € en braderie il y a 2 ans.

Alors, quelles sont les alternatives pour qui veut se mettre à l’argentique à moindre frais ?

En numéro un des ventes cette année, on trouve le jetable. Le nombre d’appareils vendu a explosé chez tous les distributeurs. Pas cher, léger, fiable – il ne nécessite aucune manip pour insérer la pellicule, de quoi rassurer les débutants pour qui cette étape… est souvent anxiogène.

Il est tout terrain et s’adapte à toutes les situations.

l’incontournable Kodak Fun Saver

Il s’embarque dans une sac de plage et ne craint pas le sable. Il se glisse dans le cartable du petit pour sa sortie scolaire – les parents y reviennent, contents d’avoir re-trouvé une solution en contrepied du “tout numérique” lequel, on n’arrête pas de nous le rabâcher, n’est pas idéal pour un développement cognitif équilibré de nos bambins. On retrouve le sens de ce geste, une cohérence – plutôt que de laisser des gamins de 6 ans partir en classe verte avec des smartphones.

Pas douillet, le jetable accepte joyeusement d’être malmené, en soirée, en trek, en sortie vtt, en session urbex : il est petit et costaud !

Ilfocolor de chez Ilford


En numéro 1 des ventes on a : l’incontournable Kodak Fun Saver, disponible en 27 poses ou 39 poses – il est chargé avec une pellicule Kodak à 800 iso. Ses concurrents se positionnent au même prix pour le Ilfocolor de chez ILFORD mais avec une pellicule moins sensible, et pour quelques euros de moins, le Quicksnap de chez Fujifilm (mais rarement disponible).

Globalement, à moins de 20 euros pour 36 poses, on est imbattable en rapport qualité-prix pour qui veut tâter de l’argentique. Et si on veut un peu plus original, on sera séduit par le très coloré LOMO simple USE de chez Lomography.

Néanmoins, les véritables amateurs seront vite frustrés : passé le côté pratique, on voit vite les limites de ce modèle.

Lomo Simple Use

Déjà, la limite écologique : n’est-ce pas un non-sens, d’acheter un appareil à usage unique, à l’heure ou même les fast-food sont sommés de proposer des gobelets réutilisables ? La pile incluse dans le jetable pour alimenter le flash intégré ne sera sollicitée que quelques fois, autant dire que quand l’appareil est donné à développer, elle n’aura usé que 0,5% de sa capacité – et seulement si le flash a servi. Voilà de quoi vraiment agacer – car, même si les piles usagées sont recyclées par les labos, c’est tout de même énormément d’énergie gaspillée à l’échelle de millions d’usagers.

Harman jetable

Et puis, il y a la limite artistique : les jetables contiennent un type de pellicule, standard, tout terrain, capable de satisfaire le plus grand nombre. Si les images produites sont qualitatives et bien balancées, il ne faut pas s’attendre à des surprises intenses en terme de tons, contrastes et grain. Seul, Harman se démarque en proposant un jetable chargé d’un film noir et blanc qui utilise un processus couleur pour son développement : le ILFORD XP2. Bref, le photographe averti aura vite fait le tour, car la pratique de la photo est avant tout une exploration de la diversité : de lumières, de couleurs, de textures. Il faut aller plus loin pour donner satisfaction à l’oeil aiguisé qui veut expérimenter tout un univers.

Alors bien sûr, il y a les photographes un peu geeks adeptes du low-tech qui démontent des jetables dans le noir pour les recharger – et qui les réutilisent une ou deux fois, en ayant bien pris soin de remettre du scotch noir partout autour du boîtier pour prévenir les infiltrations lumineuses. Mais… le risque est tout de même de sacrifier un film au passage, et ces appareils ne sont tout simplement pas faits pour ça : une fois démontés, certaines petites pièces plastique deviennent cassantes, et perdent toute fiabilité.

L’arrivée de l’appareil photo rechargeable, dans ce contexte, apparaît comme un concurrent vertueux. Il coche toutes les cases que le jetable ne cochait pas.

Son prix légèrement plus élevé (il est vendu sans film intégré) sera vite amorti, dès la deuxième utilisation.
Il reste, dans tous les cas, largement en-dessous des prix pour un appareil argentique d’occasion : pour seulement 35 €, le Kodak M 38 présente toutes les qualités du jetable phare de la même marque, mais est réutilisable à l’infini ! Qualités similiaires pour le fabricant AGFA avec son rechargeable ultra simple.

Kodak M38

De plus, les fabricants ont compris que le marché demande surtout de la flexibilité et la possibilité d’explorer des options créatives à moindre frais. L’Ilford Sprite 35-II est une copie fidèle d’un appareil qui a eu énormément de succès dans les année 70 grâce à sa simplicité d’utilisation et son design élégant, et peut charger tout type de film 35mm.

Le Kodak Ektar H35 half frame, dernier-né en date de chez Kodak, permet de s’essayer au demi-format (half frame en anglais) – et Dieu sait que les appareils demi-format d’occasion en bon état sont difficiles à trouver. Le demi format permet, sur une pellicule standard (35mm), de shooter deux fois plus d’images – soit jusqu’à 72 images sur une 36 poses !

Ilford Sprite 35-II
Kodak Ektar H35

Enfin, la variété des films qu’un rechargeable peut charger est tout simplement infinie. Et c’est là que ça devient intéressant : on investit au départ dans ce boîtier, et ensuite on peut choisir de tester des pellicules très diversifiées. Des films plus professionnels ou plus amateurs, en noir et blanc ou en couleur. On peut par exemple s’essayer à la photographie urbaine de nuit avec un film à émulsion cinématographique : la Cinestill 800T ou encore explorer toute la gamme de films d’inspiration japonaise conçus et fabriqués dans une micro-usine en Normandie : les films Washi.

Il ne sera pas incongru ensuite de s’essayer à un processus de développement maison, en utilisant un kit de produits traditionnels ou bien, toujours dans l’esprit low-tech, en testant la légendaire technique du cafénol ! (je vous laisser chercher la recette sur internet 😉

La pratique photographique du photographe conscient devient alors maîtrisée de A à Z, autant dans les coûts que sur le plan artistique : totalement personnalisée, sur-mesure, cohérente et parfaitement ajustée à son goût et à ses valeurs. Le photographe incarne ses choix artistiques et se fait ambassadeur d’une vision : celle d’une pratique argentique singulière, écologique et durable.

Qu’en pensez-vous ?